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Dégradations du local après la vente judiciaire aux enchères publiques : quid des responsabilités ?

07 octobre 2022

Le coup de marteau est tombé. Le mot « adjugé » a été prononcé. L’adjudication est faite. Reste à récupérer le lot adjugé. Qui est responsable si des dégradations sont constatées dans les locaux après les opérations de vente lors de l’enlèvement des lots adjugés ?

La question est loin d’être anodine lorsque l’on connaît les difficultés d’organisation matérielle des ventes aux enchères ordonnées sur autorité de justice et celles de la récupération des lots adjugés. Pour récupérer leurs nouvelles acquisitions, les adjudicataires vont parfois devoir procéder à de véritables opérations de démantèlement, de démontage, de découpage. Le commissaire – priseur judiciaire, organisateur de la vente judiciaire aux enchères, est – il responsable des dégradations commises à cette occasion ?

Pour la Cour d’Appel d’ORLEANS, la réponse est NON… avec une motivation particulièrement détaillée (Arrêt Cour d’Appel, Orléans, Chambre commerciale économique et financière, 19 octobre 2017 – n°16/03193)

Dans cette affaire, une société qui exerçait une activité de traiteur a été placée en liquidation judiciaire. Dépendait des actifs de la société notamment un piano de cuisson, un four en inox, une chaîne de lavage, des hottes aspirantes, une chambre froide et une cellule de refroidissement. Sur mandat du juge commissaire, la vente judiciaire des actifs de la société liquidée a été réalisée par le commissaire – priseur judiciaire. La SCI bailleresse a dénoncé l’existence de dégradations importantes qui seraient intervenus lors du démontage des équipements vendus aux enchères (dalles de faux plafond arrachées, bâti d’une double porte arraché, fils électriques arrachés, carrelage endommagé, …). Faute d’obtenir à l’amiable la prise en charge des travaux de réfection, la SCI bailleresse a assigné le commissaire – priseur judiciaire devant le Tribunal pour obtenir sa condamnation à lui verser diverses indemnités (préjudice matériel résultant des dégradations, préjudice financier dû à la perte de chance de pouvoir relouer les locaux). Le commissaire – priseur judiciaire a appelé en intervention forcée et en garantie le mandataire liquidateur. Le Tribunal a rejeté les demandes de la SCI aux motifs qu’elle ne démontrait pas que les dommages avaient été causés lors de l’enlèvement des biens vendus aux enchères et que le commissaire – priseur n’était pas tenu à une obligation de surveillance particulière une fois les opérations de vente terminées. La SCI bailleresse a interjeté appel.

La Cour d’Appel confirme que le commissaire – priseur judiciaire n’est pas responsable des dégradations commises dès que l’adjudication est prononcée :

« (…) Attendu qu’en cas de vente aux enchères, l’objet vendu devient la propriété du dernier enchérisseur lorsque l’officier chargé de la vente prononce le mot « adjugé » qui a pour effet de réaliser la vente et de transférer la propriété; que les frais d’enlèvement sont à la charge de l’adjudicataire qui devient propriétaire de la marchandise et qui supporte donc les risques dès ce moment ; Que la propriété de l’objet vendu étant immédiatement transférée, le commissaire – priseur ne peut être tenu pour responsable des dégâts qui peuvent être occasionnées aux locaux ou aux tiers lors de l’enlèvement, les risques liés à ce dernier étant toujours à la charge de l’acheteur, peu important que le personnel de l’officier public et ministériel ayant procédé à la vente soit ou non encore présent dans les locaux ; (…) Attendu que liquidateur à la liquidation judiciaire ne pouvait ignorer les difficultés techniques posées par le démontage du matériel vendu et les risques de dégradations en résultant ; Que, professionnel du droit, il ne pouvait pas ignorer que le commissaire – priseur n’était pas responsable de la bonne exécution des opérations d’enlèvement et qu’il ne peut aujourd’hui soutenir que le fait que le commissaire – priseur ait détenu les clefs des locaux commerciaux pour assurer la vente démontre qu’il avait accepté de superviser les suites de celle – ci ; Que, contrairement à ce qu’il prétend, ce n’est pas lui qui a « mandaté » le commissaire – priseur, qui a été désigné par ordonnance du juge commissaire chargé du suivi de la liquidation judiciaire ; Que la SELARL V. ne justifie aucunement avoir confié à la SCP M.S un mandat express et accepté par le commissaire – priseur de la substituer dans sa mission de surveillance de bonne exécution des opérations de liquidation de l’actif ; Qu’il lui appartenait donc, soit de s’assurer que les opérations d’enlèvement seraient surveillées après l’adjudication, soit de prévoir, dans les conditions de la vente, que l’acquéreur devrait consigner entre ses mains ou celles du commissaire – priseur une somme destinée à garantir la bonne exécution de ces opérations ; Que la responsabilité du liquidateur à la liquidation judiciaire du fait des dégâts causés aux locaux doit être retenue dès lors qu’il a manqué à son obligation de veiller à l’organisation matérielle de la vente et ne s’est pas assuré du bon déroulement des opérations d’enlèvement des matériels après l’adjudication (…) ».